Né a Strasbourg en 1948, Thierry Mugler a débuté comme danseur au ballet de l'Opéra du Rhin et gardera toute sa vie le gout de la scénographie. Devenu styliste, il crée une griffe a son nom en 1973. Taille cintrée, poitrine insolente, cuisses galbées : il sublime la silhouette des femmes qui, sous ses atours, deviennent des guerrieres sexy ou des femmes d'affaires pressées aux épaules XXL. Jouant avec l'univers de la vitesse pour aguicher l'eil masculin, il invente d'extravagants bustiers de métal, qui deviendront sa marque de fabrique. Ce créateur emblématique des années 1980 atteint l'apogée de sa carriere dans la décennie suivante, en rejoignant le club fermé de la haute couture. Grâce a un merchandising futé - le succes du parfum Angel finançant ses créations -, il peut laisser libre cours a sa folie des grandeurs... jusqu'a la collection de trop. En 1998, "Chimeres" ruine sa maison. Quatre ans plus tard, Thierry Mugler revend sa marque au groupe Clarins. Cela tombe bien, la vogue minimaliste qui sévit alors ne l'inspire pas du tout. Lassé de la mode, il entame une sidérante métamorphose. Répondant désormais au nom de Manfred, il remodele son corps a coups de culturisme et de chirurgie, au point d'en devenir méconnaissable. Il vit le parfait amour avec l'artiste polonais Krzysztof Leon Dziemaszkiewicz et se lance dans la mise en scene de shows délirants. Son style serait tombé dans l'oubli si la sagace Beyoncé ne l'avait remis au gout du jour en 2008, année ou Manfred Thierry Mugler accepte de concevoir les costumes et la scénographie de sa tournée. Sens de l'épique Thierry Mugler a en commun avec son contemporain Jean Paul Gaultier, qui lui témoigne son admiration dans ce documentaire, d'envisager le vetement comme un costume de scene - le premier avec le sens de l'épique, le second avec un humour rafraîchissant. Autre legs laissé par le couturier, disparu en 2022 : l'art de redessiner une silhouette (parfois jusqu'a l'exces quand il s'agit de sa propre personne), et l'invention d'un sex-appeal futuriste. Il fut aussi l'un des premiers a injecter de la pop culture américaine dans la haute couture et a faire défiler un mannequin grande taille, l'iconique Stella Ellis, qu'on retrouve aussi dans le film. Interrogeant des spécialistes de la mode et l'exubérante garde rapprochée de Mugler, ce portrait retrace sa trajectoire mouvementée a travers des archives ou éclatent son savoir-faire et la théâtralité de ses défilés, mais aussi le rôle déterminant de ses collaborateurs et des mannequins, dont les apparitions sur les podiums tenaient de la chorégraphie millimétrée.